Pourquoi Fabienne Kabou a-t-elle laissé sa petite-fille de 15 mois sur une plage de Berk-sur Mer à marée montante en ce 20 novembre 2013 ? C’est à ce mystère que nous invite Alice Diop dans le film Saint Omer. De cette mère infanticide condamnée à quinze ans de prison, dont les motivations resteront à jamais insondables, la cinéaste reconstitue fidèlement les minutes du procès.
Le Film : Rama, d’origine sénégalaises elle aussi, vient assister au procès en vue de l’écriture d’un livre. Brillante intellectuelle, mariée à un musicien, elle entretien avec sa mère un rapport compliqué, lié au fossé qu’ont creusé entre elles l’éducation et l’absence de langage commun. Rama entre dans la salle d’audience et n’en ressortira plus. Elle est saisie par les mots de l’accusée, Laurence Coly, et tout ce qu’ils lui renvoient de sa propre histoire. Celle du rapport à la mère, de la blessure de l’émigration vécue par la génération de ses parents, et de la violence de la société qui a longtemps invisibilisé les femmes noires.
« La grande question au fond est celle de la maternité » dira Alice Diop. « Je ne voudrais pas enfermer le film dans des intentions et dans ce que cette histoire m’a raconté à titre personnel ». Dire l’universel à travers des corps noirs est au fondement même de son cinéma, et Saint Omer n’est que le prolongement d’un travail documentaire qui mêle depuis ses débuts l’intime et le politique. Le passage à la fiction, la précision de sa mise en scène et la force viscérale du film, portée par de magnifiques interprètes, lui ont valu une consécration méritée. Récompensé par le prix Louis Delluc, deux fois primé à la Mostra de Venise (grand prix du jury et meilleur premier film), Saint Omer a été choisi pour représenter la France aux prochains Oscars.
